J.O. 257 du 6 novembre 2003       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 18987

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Avis n° 2003-A-5 du 30 octobre 2003 de la Commission des participations et des transferts relatif à une cession sur le marché de titres de Thomson


NOR : ECOX0306943V



La commission émet l'avis suivant :

I. - Par lettre du 29 octobre 2003, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a saisi la commission en vue de la mise en oeuvre d'une opération de marché sur le capital de la société Thomson qui est actuellement détenu à hauteur de 20,8 % par l'Etat à travers la société TSA (Thomson SA).

Ce transfert est réalisé dans le cadre du titre II de la loi no 86-912 du 6 août 1986 modifiée relative aux modalités des privatisations, Thomson constituant un actif essentiel de Thomson SA au sens de l'avis du Conseil d'Etat relatif aux modalités de privatisation de Thomson CSF.

L'opération consiste en la cession sur le marché de l'ensemble des actions détenues par TSA hormis celles pouvant être attribuées aux salariés.

Les actions cédées feront l'objet d'un placement privé auprès d'investisseurs institutionnels français et internationaux, conduit par un syndicat bancaire qui en garantira la bonne fin ainsi qu'un prix minimum.

Conformément à l'article 11 de la loi du 6 août 1986 précitée, des titres seront prochainement proposés aux salariés dans la limite de 10 % des actions cédées par l'Etat. La commission émettra par ailleurs un avis sur cette offre.

II. - Après une première ouverture de son capital à des partenaires industriels en décembre 1998, Thomson a été introduit en bourse en novembre 1999 et l'Etat a procédé, via TSA, à trois cessions ultérieures sur le marché, en septembre 2000 (opération ayant entraîné la privatisation), octobre 2001 et en février 2002. En février 2001, l'acquisition de Technicolor avait conduit en outre à l'entrée de Carlton au capital. NEC, DirecTV et Alcatel, entrés en 1998 dans le capital de Thomson, ont depuis lors cédé progressivement leurs titres sur le marché.

La structure actuelle de l'actionnariat est, à la suite de ces opérations, la suivante :

- Etat français (via TSA) : 20,8 % ;

- partenaires (Carlton et Microsoft) : 8,9 % ;

- public : 65 % ;

- salariés : 4,1 % ;

- autocontrôle : 1,2 %.

Cette structure est susceptible d'évoluer en fonction d'opérations en cours (en particulier, obligations convertibles, plans de stock-options, actions gratuites pouvant être attribuées aux salariés).

III. - La commission a eu l'occasion de décrire Thomson, quatrième groupe mondial d'électronique grand public, dans ses différents avis sur les opérations conduites depuis 1998 qui ont affecté la répartition de son capital.

Depuis le 1er janvier 2003, le groupe a réorganisé son activité en quatre divisions opérationnelles en fonction des clients concernés :

- la division « contenu et réseaux » (38,5 % du chiffre d'affaires en 2002) regroupe principalement les activités de Technicolor (réplication et distribution de cassettes vidéo et de DVD, post-production) et les décodeurs, ainsi que les activités d'équipement et de service aux professionnels de la création de contenu (cinéma et télévision) et de la diffusion (opérateurs de réseaux) ;

- les « produits grand public » (41,8 % du chiffre d'affaires) comprennent les téléviseurs et les produits audio et vidéo résidentiels ou portables ;

- les « composants » (15,3 % du chiffre d'affaires) consistent dans les tubes cathodiques, écrans plats, composants optiques notamment pour lecteurs de DVD, disques durs ;

- la division « licences » a en charge la gestion des brevets et licences (4,2 % du chiffre d'affaires).

Depuis la fin 2000, le groupe suit une stratégie de repositionnement en élargissant ses activités et sa base de clientèle qui auparavant étaient concentrées sur la fabrication de produits d'électronique grand public. L'entreprise poursuit ainsi l'objectif d'être présente sur l'ensemble de la chaîne de l'image, hors la production du contenu, afin de profiter de métiers à forte croissance et à marge plus élevée.

Afin d'accélérer cette évolution, le groupe procède à une croissance externe qui se traduit par de nombreuses acquisitions, les plus importantes ayant été en 2001 et début 2002 les achats de Technicolor et de Panasonic Disc Services qui ont fait de Thomson le leader mondial de la réplication de contenu et qui contribuent désormais de manière décisive aux résultats du groupe.

Depuis mars 2002, les principales acquisitions ont été :

- Southern Star Duplitek (mars 2002, réplication et packaging) ;

- Recoton (juin 2003, accessoires) ;

- Fortune (juillet 2003, tubes cathodiques en Chine) ;

- Canal + Technologies (début 2003, logiciels de télévision numérique, revente ultérieure) ;

- Pacifica Media Affiliates (février 2003, montage et mixage audio pour films) ;

- Cinecolor Lab Company (vient d'être annoncé, grand laboratoire thaïlandais de films et post-production sur les marchés asiatique et australien).

Dans le même sens, Thomson négocie avec un partenaire chinois, le groupe TCL, la création d'une entreprise commune (joint-venture) à laquelle sera apportée l'activité téléviseurs, actuellement déficitaire et qui représente 45 % du chiffre d'affaires de la division « grand public ». L'entreprise commune devrait être le premier fabricant mondial de télévision. Selon les informations communiquées à la commission, Thomson devrait détenir 33 % de l'entreprise commune et percevrait un flux de redevances au titre des licences et des prestations de services. Ultérieurement, la participation pourra être échangée contre des actions de la société TCL International, cotée à Hong Kong. L'annonce de l'accord de principe doit intervenir très prochainement.

Cette opération, une fois confirmée et mise en oeuvre, marquera une étape très significative dans l'évolution stratégique suivie par Thomson. Grâce à ses acquisitions récentes, à sa santé financière et à la compétence technique accumulée dans l'industrie de l'image, Thomson dispose d'atouts importants pour affronter les risques de sa mutation dans un métier mondial où les technologies changent rapidement.

Thomson poursuit dans le même temps des programmes ambitieux de réduction des coûts qui ont déjà procuré des économies importantes traduites par une amélioration de 1 % de la marge d'exploitation qui a atteint 7 % en 2002.

IV. - Dans un contexte à nouveau très difficile pour le secteur, notamment aux Etats-Unis où il est très présent avec la marque RCA, Thomson a enregistré en 2002 des résultats qui ont été jugés contrastés par les analystes. Si le chiffre d'affaires a diminué de 2 % à 10,2 milliards d'euros, le bénéfice d'exploitation a progressé de 13 % à 718 millions d'euros et le résultat net a augmenté de 30 % à 373 millions d'euros. L'analyse par métier fait apparaître la part prépondérante dans les résultats de la division « contenu et réseaux » (en fait des activités de Technicolor en forte progression, les décodeurs étant pour leur part lourdement affectés par la conjoncture) et des revenus de la gestion des brevets et licences. Les autres divisions, composants et produits grand public, qui procurent pourtant 57 % du chiffre d'affaires, sont devenues faiblement bénéficiaires ou déficitaires. La parité de l'euro et du dollar a un impact important sur les comptes de Thomson.

Le premier semestre 2003 a été marqué par une accentuation de la baisse du chiffre d'affaires par rapport au premier semestre 2002 (- 23 % ou 12 % à taux de change constant) et une réduction du bénéfice d'exploitation (- 42 %), qui s'expliquent par l'aggravation des conditions d'activités des divisions composants et produits grand public, notamment aux Etats-Unis.

En juin, Thomson a dû revoir à la baisse ses objectifs de marges et annoncer la fermeture de deux sites aux Etats-Unis.

Les indications sur l'activité du troisième trimestre 2003 laissent entrevoir une amélioration relative (baisse de 13,6 % du chiffre d'affaires par rapport au troisième semestre 2002, ou de 4,8 % à taux de change constant).

Le bilan consolidé de Thomson fait apparaître une structure financière bien équilibrée avec des capitaux propres proches de 4 milliards d'euros, une trésorerie positive et un montant d'endettement net restreint.

V. - Conformément à la loi, la commission a procédé à l'évaluation de Thomson en recourant à une analyse multicritère qui prend en compte les éléments boursiers, la valeur des actifs, les bénéfices réalisés, l'existence des filiales et les perspectives d'avenir.

A cette fin, elle a disposé du rapport de la banque conseil de l'Etat qui a eu recours à trois méthodes principales :

- l'actualisation globale des flux futurs sur la base d'un plan d'affaires établi par la banque à partir de prévisions de l'entreprise, jugées volontaristes par la banque, et en extrapolant celles-ci sur un nombre limité d'années du fait de la difficulté des prévisions dans le secteur. Les conséquences anticipées de la création de l'entreprise commune chinoise ont été incluses selon deux scenarii différents ;

- les comparaisons boursières : les multiples résultant de la capitalisation des sociétés comparables ont été appliqués aux agrégats de Thomson. Les sociétés prises en compte, considérées comme les plus proches, sont Philips (retraité pour exclure l'activité semi-conducteurs), Sony, Matsushita et Cinram (société spécialisée dans la reproduction de contenu). Les multiples qui ont été jugés les plus significatifs par la banque sont ceux de chiffre d'affaires, d'excédent brut d'exploitation et de résultat d'exploitation. Au total, la banque conseil relativise la pertinence de cette méthode dans le cas de Thomson ;

- la valorisation par sommation des branches d'activités, sur la base des divisions opérationnelles du groupe. Les activités « contenu et réseaux » et « grand public » ont été évaluées par actualisation des flux ainsi que par comparaisons boursières (en distinguant dans ce cas dans « contenu et réseaux » la reproduction de contenu et les décodeurs). Les autres activités ont été évaluées par actualisation des flux. La banque a effectué un contrôle de cohérence par référence aux prix d'acquisition des sociétés achetées par le groupe.

Les évaluations de Thomson d'après ces différentes méthodes sont suffisamment convergentes et permettent à la banque conseil de proposer une évaluation de l'entreprise, en l'absence de décote de mise sur le marché, tout en soulignant les incertitudes résultant du repositionnement stratégique encore inachevé de l'entreprise, du caractère limité des données prévisionnelles et de la volatilité prononcée des valeurs du secteur technologique.

VI. - Analysant l'évolution du cours de bourse, la commission observe que le cours de Thomson a suivi globalement le mouvement des valeurs du secteur de février 2002 à février 2003. Il a notamment bénéficié d'un redressement significatif durant le dernier trimestre 2002 après une période de baisse prolongée. Cependant, l'annonce des résultats de l'exercice 2002 a entraîné un décrochage qui traduisait l'inquiétude des investisseurs, aggravée par l'évolution incertaine de la parité de change entre l'euro et le dollar, s'agissant d'une société exposée fortement à ce risque. Un cours inférieur à 10 EUR a été atteint début mars 2002, après quoi le titre, à l'instar des valeurs du secteur, s'est redressé avec quelques à-coups liés aux annonces de résultats semestriels et de révision de prévision. Le cours de l'action est relativement stabilisé depuis fin août autour de 15-16 EUR. La moyenne de cours sur six mois est de 14,59 EUR et sur trois mois de 15,71 EUR. La perspective de l'annonce prochaine de l'accord avec TCL est sans doute à l'origine de la hausse du cours au-dessus de 17 EUR sur les deux derniers jours. Le marché de l'action apparaît à la fois volatil mais liquide et actif.

La cession par l'Etat d'actions selon la procédure du placement privé garanti par un syndicat bancaire quant à sa bonne fin et à son prix, à l'instar de l'opération réalisée en février 2002, paraît être un moyen approprié d'atteindre les objectifs recherchés et d'assurer le succès de l'opération, notamment quant au prix obtenu par l'Etat, dans les conditions actuelles du marché.

VII. - Compte tenu de ces éléments, et au vu de l'ensemble des informations qui lui ont été communiquées ainsi que des données les plus récentes du marché, la commission estime que la valeur de Thomson Multimedia ne saurait être inférieure à 17,2 EUR par action soit 4,83 milliards d'euros pour 280 613 508 actions composant le capital social.